jeudi 30 décembre 2010

En avant le progrès ?


Dans les pays industrialisés, l’idée de progrès est indissociable de l’émergence de la Révolution industrielle. Progrès et modernisme deviennent alors les maîtres mots d’une marche en avant vers le bonheur, une idée essentielle de la pensée des Lumières.
Sans revenir trop en avant sur l’histoire de la pensée, qu’est-ce que le progrès pour nos contemporains ?
Posséder la dernière évolution en matière de téléphonie ? la dernière télévision full HD ?
Ce terme de progrès est récurrent dans la sémantique utilisée par les médias lorsque sont abordées les nouveautés technologiques. Les termes de Révolution ou de réforme en sont d’autres.
Mais qu’en est-il d’une idéologie plus « sociale » du progrès, celle que les penseurs du libéralisme annonçaient au XIX° siècle comme la mère de toutes les émancipations ?
La vision du progrès s’inscrit très largement, il me semble, dans les idées d’Auguste Comte et du « positivisme ». Théories pourtant largement remises en doute, la pensée de nos contemporains semble pourtant sombrer dans une croyance des plus farfelues. Le progrès serait linéaire !
En d’autre terme, les sociétés antiques ou celles du Moyen-âge seraient nécessairement moins évoluée que celle des siècles postérieurs.

Il y a quelques années, j’avais été frappé par une étude historique sur l’évolution du niveau de vie des habitants d’une même région, mais à distance de plusieurs siècles. Le résultat était sans appel et affirmait que les habitants de l’Antiquité y vivaient mieux que nos contemporains ! (il s’agissait, il me semble, de la Palestine. En tous les cas d’une région du Proche-Orient).
Un autre exemple serait celui de l’histoire de l’hygiène et du soin du corps. Les recherches des médiévistes ont démontrés que les Français du Moyen-âge se rendaient régulièrement dans des thermes publics. L’image très « noire » qui est attribuée au Moyen-âge, période de régression, doit donc être  encore une fois relativisée. En effet, il faut garder à l’esprit que l'obscurantisme du Moyen-âge est une construction idéologique des révolutionnaires, afin de disqualifier la période de l’Ancien régime.
A l’inverse, le faste, le luxe et la volupté qui qualifie la vie à la cour de Louis XIV occulte une réalité qui est beaucoup moins reluisante. En effet, l’usage du savon était bien loin d’être entré dans les usages du temps.
Qu’à cela ne tienne ! Les eaux de toilette et les parfums étaient là pour masquer les odeurs !
  D’autres études scientifiques démontrent clairement que des évolutions positives n’ont pas toujours été observées dans l’histoire de nos sociétés. Je pourrai multiplier les exemples, mais revenons à notre réflexion initiale.

Il me semble que l’idée de progrès rejoint également celle de « civilisation » et de « colonisation ».
Comment ne pas s’interroger sur les déclarations récentes du Président de la République concernant une prétendue « absence d’histoire » pour les peuples Africains ?
Cet épisode discursif, aux antipodes des grandes déclarations qui marqueront l’Histoire, rappelle cependant combien les civilisations occidentales considèrent comme supérieur leur modèle de développement.
Le petit extrait suivant est tiré de ce fameux discours de Dakar de 2007, qui permettra de clarifier ma pensée :

«L'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. (...) Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. (...) Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès »
(N. Sarkozy, discours de Dakar, 26/07/2007).

Avouons-le sans détour… bon nombre de nos concitoyens partagent, secrètement ou non, cette idée. L’Occident proposerait donc l’exemple d’une « civilisation-modèle » pour le développement humain ? « Une société civilisée » avec des « gens civilisés », à l’opposé de sociétés dites « primaires », dont l’image est notamment bâtie sur les mythes du « bon sauvage »?
L’idée de la supériorité de la « race blanche » sur les autres s’est largement construite au XIX° siècle.
Je pense à la montée de la xénophobie (le massacre des Italiens, Aigues-Mortes, 1894), à celle de l’antisémitisme (l’affaire Dreyfus) ou encore à l’expansion coloniale des grandes puissances européennes.
Avec la mondialisation, ce modèle unique s’exporte de plus en plus aux quatre coins du Monde et se pose comme la seule alternative de développement. La société de consommation et le matérialisme ne sont-ils pas les enfants des Trente Glorieuses?

Le sens donné aux mots et aux idées sont extrêmement variables. Il n’existe aucun réel consensus autour d‘une définition du progrès. A mon sens, chaque société a développé son propre modèle. De la même manière, chaque individu possède son idée propre du progrès.
Après les théories de catégorisation sociale, on oublie souvent que l’un des héritages de Darwin a été repris pour nourrir de funestes idéologies. Ce darwinisme social, mis en pratique par les nazis, a encore des adeptes !
Les théories de l’évolutionnisme des sociétés ne sont malheureusement pas mortes. Comme un énorme glacier, ces idées laissent derrière elles des lœss qui, je l’espère, finiront par s’éroder avec les nouvelles générations.
Au final, nous pouvons peut être nous poser une autre question un peu moins complexe.
Et si le progrès était en nous ?

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